drmontassarbenmradEntretien avec Dr. Montassar BenMrad, président de la FOIS
Valais Central, le 27.7. 2016
Plusieurs événements et actes terroristes ont eu lieu ces derniers temps. Quelle est la position de la FOIS par rapport aux actes terroristes de Nice, de Würzburg, de Munich ou de St-Etienne de Rouvray?
Nous continuons à condamner ces événements tragiques de la manière la plus ferme, comme nous l’avons fait dans le passé. Plusieurs dizaines de personnes innocentes ont été tuées ou blessées dans des circonstances horribles. Nous sommes consternés par l’horreur et la lâcheté de ces actes criminels. Nos condamnations sont soutenues aussi bien par le comité directeur de la FOIS que les organisations faîtières qui en sont membres.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans la recrudescence des actions de ces dernières semaines ?
Je suis d’abord surpris par la bestialité et la perfidie croissante de ces criminels, qui agissent sans aucun scrupule de manière lâche et aveugle. Que ce soit à Nice, Würzburg, à Munich, à Médine, à Istanbul ou à Kaboul, ils avaient tous pour objectifs communs de tuer un grand nombre de personnes sans discernement, hommes et femmes, enfants et personnes âgées, musulmans et personnes d’autres traditions religieuses. À cela s’ajoute le meurtre ignoble et effroyable d’un prêtre de 86 ans dans l’Eglise de St-Etienne de Rouvray qui m’a également profondément choqué. Ces adeptes de la terreur et de la haine sont nos ennemis communs. Plus que jamais, les responsables des différents traditions religieuses doivent combattre les discours de haine et renforcer la fraternité dans l’unité. Il nous faut soutenir nos frères et sœurs chrétiens durement éprouvés par ce nouvel acte de barbarie.
La vie n’est-elle pas à sacrée dans la tradition musulmane ?
Bien sûr que si ! La vie de tout être humain quel que soit sa tradition religieuse est sacrée! Mais plus rien ne semble sacré pour ces criminels: ni le respect de la vie, ni le respect des lieux de cultes, ni les lieux saints de l’islam, ni le mois sacré de ramadan. Je suis consterné de constater l’influence des réseaux sociaux pour la radicalisation de ces personnes à la recherche de cette violence et cette bestialité. Dans chacun de ces cas, un grand nombre de victimes étaient également de tradition musulmane. On constate que ces criminels étaient plutôt en quête de violence que de recherche spirituelle. Selon les premiers éléments de l’enquête sur l’attentat odieux de Munich par exemple, le criminel semblait être fasciné par les tueries de masse, prenant pour modèle Anders Breivik.
La FOIS a utilisé l’extrait d’un verset coranique lors des attentats précédent de Paris pour condamner les actes terroristes qui avaient été commis. Ce verset est-il une référence pour tous les musulmans ?
Absolument ! L’extrait du verset que nous avions utilisé dans notre communiqué de presse était : «Celui qui tue une personne, c’est comme s’il avait tué toute l’humanité; s’il sauve une vie, c’est comme s’il avait sauvé toute l’humanité» (Coran, Verset 5, 32). C’est une injonction que nous héritons de la tradition prophétique monothéiste et à laquelle nous nous référons.
Pouvez-vous clarifier un peu plus le contexte de ce verset coranique ?
Ce verset est précédée de plusieurs versets concernant le dialogue entre les deux fils d’Adam (note: entre Abel et Caïn). L’échange se termine malheureusement par le premier meurtre de l’Humanité. Juste après son crime, Caïn se ronge de remords (verset 31). Vient ensuite la citation que j’ai utilisé précédemment qui s’adresse aux enfants d’Israël, pour rappeler l’importance et la sacralité de la vie. Cet appel aux enfants d’Israël est l’une des formes d’injonctions universelle qu’utilise le Coran. Elle n’est donc pas considérée comme propre aux fils d’Israël mais à tous ceux qui se reconnaissent dans la tradition Abrahamique. Ce même verset rappelle également qu’en dépit des nombreux Messagers (pour transmettre une guidance), beaucoup de personnes se mettent à commettre des excès et des crimes sur terre.
S’agit-t-il dans ce cas d’une injonction qui s’applique également aux musulmans ?
Absolument ! En tant que musulman, nous reconnaissons Moïse et Jésus comme des grands prophètes, ainsi que leurs enseignements. Ce verset coranique est un élément fondamental dans notre tradition. Pour nous, l’Islam ne commence pas avec la révélation du prophète Mohamed, mais avec Adam et nous reconnaissons les Prophètes de la tradition monothéiste qui lui ont succédés.
Et qu’en est-il du verset coranique suivant qui décrit tout un ensemble de châtiments corporels pour ceux qui font la guerre à Dieu et à son Messager ? N’est-ce pas l’un des versets utilisés par les djihadistes ?
Il faut d’abord garder à l’esprit ce que je viens juste de dire. À savoir qu’il faut considérer le meurtre d’une seule personne comme le meurtre de l’Humanité. Le verset suivant a été révélé dans un certain contexte pour ceux qui « s’efforçaient de semer la corruption sur terre » (comme ceux qui s’engageraient dans des activités terroristes de nos jours par exemple). Il faut considérer l’expression de ces châtiments comme un avertissement de la gravité de tels crimes, avec une invitation à la repentance et au dédommagement, afin que de tels actes n’aient jamais lieu. Un grand nombre de savants musulmans l’ont déjà commenté, des chapitres entiers ayant été rédigés sur ce sujet. En pratique, et dans la tradition, les experts de la jurisprudence islamique et les juges ont extrêmement limité l’application de ce verset sur les châtiments corporels et ont utilisé sa moindre forme, à savoir l’exil. Certaines écoles ont également choisi de transformer cet exil en emprisonnement. Il faut cependant reconnaître que dans l’histoire musulmane, certains tyrans ou despotes n’ont pas hésité plus tard à utiliser ce verset pour leurs propres intérêts politiques. C’est ce que fait aujourd’hui DAECH dans leur sillon.
Certains proposent de supprimer ces versets du Coran ? Qu’en pensez-vous ?
Certains passages appelant à la violence se trouvent également dans l’ancien et le nouveau Testament. Ils ont été utilisés à mauvais escient pour justifier les croisades, l’inquisition, l’antisémitisme, la colonisation ou l’esclavagisme. Ces textes continuent d’exister aujourd’hui. Pour les musulmans, la conservation de leurs textes est toute aussi fondamentale. Mais la dynamique d’interprétation et l’analyse du contexte est tout aussi importante. Il ne s’agit pas de falsifier nos textes respectifs, mais d’apprendre à les comprendre et à les appliquer d’une manière qui évolue avec les contextes spatio-temporels. Il y a un travail significatif à continuer pour faire connaître ces interprétations, afin que l’on ne se limite pas à une lecture littéraliste.
Qu’est-ce qui vous inquiète le plus aujourd’hui ?
Trois choses m’inquiètent particulièrement. D’abord, l’analphabétisme religieux : beaucoup de personnes finissent par ne presque plus rien connaître de leur identité culturelle et cultuelle et finissent par la forger en s’abreuvant d’information tendancieuse venant de sources indéfinissables sur Internet. Ou encore pire, en absorbant des informations de propagande comme celle de DAECH. Beaucoup de cas de radicalisation ont eu lieu de cette manière et il est très inquiétant de voir à quel point des personnes se sont fait manipuler pour devenir d’ignobles criminels. Ensuite, je suis inquiet de la violence verbale sur les réseaux sociaux. Il y a trop d’excès aussi bien pour ce qui est de l’antisémitisme et que de l’islamophobie. Ces excès accompagnés de discours de haines sont générateurs de fortes tensions. Ce n’est pas dans un monde virtuel que ces échanges ont lieu malgré l’apparence, mais dans un monde bien réel. Il n’y a plus de véritable dialogue, chacun considérant être devenu un « expert de la tradition de l’autre », sans dialoguer et sans connaitre sa propre tradition. Enfin, je me fais souci sur les effets de cette vague de criminalité et de son impact sur l’inconscient collectif concernant les Musulmans de Suisse. Le nombre de cas d’Islamophobie en Suisse a doublé en 2015. Certains responsables politiques font des campagnes en utilisant la peur envers l’Islam et en stigmatisant toute une communauté, sans dialoguer véritablement avec les musulmans. Nous devrions tirer les leçons des dérapages de l’Histoire et construire collectivement un avenir serein.
Un mot de la fin ?
Nous reconnaissons l’immense tâche qu’ont les musulmans face aux défis auxquels ils doivent faire face. La FOIS agit déjà dans ce sens pour le travail interne de sensibilisation, le dialogue avec les imams, le travail avec les universités, le dialogue avec les autorités politiques et pour traiter des sujets liés à la sécurité. Ce dialogue avec la société est effort fondamental auquel nous contribuons déjà dans la mesure de nos moyens afin de renforcer la paix religieuse en Suisse.
 Entretien avec le Team média de la FOIS.

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